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Audrey Tautou exposée au Quai de la Photo : « La photographie me permet de servir mon imagination et non celle d’un autre »

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Publié le , mis à jour le
Disparue du grand écran depuis plus de cinq ans, Audrey Tautou a mis sa carrière d’actrice entre parenthèses pour se consacrer, entre autres, à la photographie. Au Quai de la Photo à Paris, elle expose une cinquantaine de clichés au travers desquels elle décrypte son rapport à la notoriété et s’affranchit du regard des autres. Autant de thèmes que l’on retrouve dans son livre Superfacial, publié en 2024 aux éditions Fisheye. À cette occasion, elle s’était confiée à Beaux Arts Magazine sur sa relation aux images.
Audrey Tautou, Photographie extraite du livre “Superfacial” aux éditions Fisheye
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Audrey Tautou, Photographie extraite du livre “Superfacial” aux éditions Fisheye, 2024

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Courtesy Fisheye Éditions

Surgissant du boîtier de l’appareil photo comme un curieux qui épierait par-dessus un muret, une paire d’yeux nous observe. Ce regard malicieux, qui invite presque malgré lui le spectateur à un jeu complice par un habile effet de miroir, est l’un des plus célèbres du cinéma français. Pourtant, c’est bien loin des caméras et des plateaux de tournage qu’Audrey Tautou (née en 1976) trace désormais sa route. L’actrice, qui a mis sa carrière entre parenthèses en 2017, explore de nouvelles voies, à commencer par la photographie. Heureux hasard s’il en est : la même année, elle présentait sa première exposition aux Rencontres d’Arles, intitulée « Superfacial ».

Superfacial, c’est aussi le titre du beau livre qu’elle vient de publier aux éditions Fisheye, dans lequel elle dissèque, en textes et en images, son rapport à la notoriété. Révélant ainsi aux yeux du public cette autre facette de sa créativité, restée pendant plus de 20 ans dans l’ombre de la comédienne à succès. « Quand j’étais jeune, je rêvais d’être photographe animalier et m’imaginais en Dian Fossey française, dans la jungle avec mon appareil photo », se souvient Audrey Tautou, dont l’attrait pour la photographie remonte à l’enfance.

Audrey Tautou, Photographie extraite du livre « Superfacial » aux éditions Fisheye
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Audrey Tautou, Photographie extraite du livre « Superfacial » aux éditions Fisheye, 2024

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Courtesy Fisheye Éditions

Propulsée sur le devant de la scène à 25 ans avec le succès planétaire du Fabuleux destin d’Amélie Poulain (réalisé par Jean-Pierre Jeunet en 2001), cette pure autodidacte – « une vraie galérienne ! », plaisante-t-elle dans un grand éclat de rire – a alors trouvé dans la photographie un moyen d’apprivoiser cette gloire soudaine et, sans doute, de ne pas perdre pied : « C’est un livre qui aborde l’aventure que j’ai vécue en devenant du jour au lendemain quelqu’un de public. À l’époque, j’avais besoin de ce support pour mieux vivre ce qui m’arrivait, sans avoir le projet d’en faire quelque chose un jour. »

Dans les coulisses de la célébrité

« J’ai des espèces d’obsessions, d’impulsions répétitives qui me poussent malgré moi à me lancer dans un certain type de photo. »

Les années passent et, avec elles, ces images accumulées prennent peu à peu une « forme cohérente ». S’impose alors une décision radicale, qui en a sans doute surpris plus d’un. « Mettre ma carrière d’actrice entre parenthèses m’a permis d’enfin m’accorder du temps et de l’espace mental pour concrétiser toutes les idées que j’avais en tête, mais que j’avais du mal à faire aboutir jusque-là », explique Audrey Toutou. Et de reconnaître : « je n’étais pas suffisamment mûre pour le faire plus précocement », avant d’ironiser sur son « grand âge ».

Méditation sur la célébrité et son rapport à l’image, Superfacial brouille les pistes entre réalité et fiction. Après avoir averti le lecteur – « Madame, monsieur, tenez-vous bien, je suis une star. Mais une vraie. Si si. […] » –, Audrey Tautou lui livre ses « carnets de bord », sortes de journaux intimes écrits au fil des jours sur les tournages et photographiés de façon systématique, révélant ses aspirations et ses angoisses de jeune actrice. Une plongée dans les coulisses plus vraie que nature : « C’est la stricte authenticité, avec les fautes d’orthographe qui vont avec ! », s’amuse-t-elle. Suivent de truculentes séries consacrées aux courriers envoyés par ses fans à son attachée de presse (souvent très cocasses) ou un étonnant trombinoscope de journalistes cinéma.

Audrey Tautou, Photographies extraites du livre « Superfacial » aux éditions Fisheye
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Audrey Tautou, Photographies extraites du livre « Superfacial » aux éditions Fisheye, 2024

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Courtesy Fisheye Éditions

« J’ai des espèces d’obsessions, d’impulsions répétitives qui me poussent malgré moi à me lancer dans un certain type de photo », reconnaît Audrey Tautou, qui transforme ainsi la promotion de films (une performance en soi !) en un exercice photographique à part entière, en réalisant le portrait de tous les journalistes qu’elle reçoit en interview selon un protocole strict. Sur chaque cliché, l’actrice précise consciencieusement la date et l’heure de la prise de vue, ainsi que le film concerné : « Je voulais garder une trace du temps passé avec tous ces inconnus que je ne reverrais probablement jamais. C’est un travail de documentation qui montre que derrière la médiatisation se cachent tous ces gens, tous ces regards… Tout cela n’est pas anonyme. »

Voir sans être vue

« Ce qui m’importe dans tout ça, c’est de pouvoir observer des gens sans avoir à subir leur regard. »

Bien sûr, la photographie n’est rien d’autre sinon qu’une affaire de regard. Incognito, Audrey Tautou se met aussi à photographier des inconnus de dos, rencontrés aux quatre coins du monde. Comme ça, l’air de rien, à la sauvette. « Ce qui m’importe dans tout ça, c’est de pouvoir observer des gens sans avoir à subir leur regard et de me glisser dans leur perspective, m’interroger sur ce qu’ils voient. » Voir sans être vue, voilà un jeu qui sied particulièrement à l’actrice.

Audrey Tautou, Photographie extraite du livre « Superfacial » aux éditions Fisheye
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Audrey Tautou, Photographie extraite du livre « Superfacial » aux éditions Fisheye, 2024

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Courtesy Fisheye Éditions

Mais la photographie est aussi pour elle un formidable levier d’émancipation : « Elle me permet d’être la capitaine de mon navire. Je ne suis pas là pour satisfaire où pour exaucer le vœu d’un autre, mais pour servir mon imagination. » Par l’autoportrait, Audrey Tautou façonne sa propre image dans des mises en scène qui, si elles peuvent paraître de prime abord spontanées, sont en réalité minutieusement réfléchies par celle qui « ne laisse rien au hasard ». On pourrait voir là une manière de se réapproprier son corps et son apparence. Pour la comédienne, il s’agit surtout d’assouvir sa soif de créativité – et il faut dire qu’elle n’en manque pas. Elle envisage ainsi de prochainement renouer avec le cinéma en portant à l’écran une histoire pour enfants qu’elle a écrite. Faut-il s’attendre à une nouvelle exposition photo ? Seul le temps le dira. Chez Audrey Tautou, il fait même pleinement partie du processus créatif : « Mieux vaut tard que jamais : je crois que j’incarne bien cette maxime », admet la comédienne-photographe.

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Audrey Tautou. Superfacial

Du 5 juin 2025 au 10 septembre 2025

quaidelaphoto.fr

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Superfacial

Par Audrey Tautou

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